TEXTE MARIE BRYON COORDINATION STÉPHANIE GROSJEAN

Pourquoi il faut en parler?

Il ressort de diverses études que, selon les ados, ce sont les parents qui ont la plus grande influence sur leurs décisions en matière de sexualité.
Par ailleurs, il a été démontré que les jeunes qui parlent de sexualité avec leurs parents ont leur premier rapport sexuel plus tardivement et utilisent davantage des préservatifs.

Ultra-informés, les ados, en matière de sexualité ? Pas si l’on en croit les chiffres concernant l’usage des préservatifs : pour 63 % des moins de 34 ans, leur achat reste tabou, comme le fait d’en parler à des proches (50 %) selon une récente étude I-VOX. En 2018, on enregistrait par ailleurs 2,4 nouvelles contaminations au VIH par jour dans notre pays et l’on assiste à une véritable explosion du nombre d’infections sexuellement transmissibles (IST) : en 15 ans, les cas de chlamydia ont été multipliés par 7 et la syphilis par 20 selon l’Institut belge de la santé. Ces chiffres en attestent : les jeunes ont besoin d’informations claires et d’interlocuteurs fiables pour les guider vers une pratique de la sexualité responsable.

MISSION PARENTALE

« L’éducation sexuelle fait entièrement partie des missions parentales, soutient Sylvie Loumaye, psychologue et sexologue. Et pourtant, c’est l’un des sujets que les parents redoutent le plus : ils ont peur de mal dire, d’en dire trop, pas assez ou trop tôt. » Or, les jeunes veulent savoir. Abreuvés d’informations, ils ont tout entendu et son contraire. « On a tous besoin d’un adulte avec qui discuter ouvertement de sexualité », soutient Zoé, 15 ans. « Chez nous, on a toujours pu en parler. Même avec mon père. Je trouve ça cool. Ça doit être flippant de se retrouver seul(e) avec toutes ces questions. » « Peut-être, mais pas de ses parents ! », rétorque Léonie. « Si ma mère devait me parler de ça, je serais morte de honte… » Car la difficulté à aborder le sujet n’est pas l’apanage des parents. En pleine recherche d’identité, l’ado a besoin d’indépendance et dans cette quête essentielle, la sexualité est une voie royale. « De toute façon, il n’y a plus rien que je ne connais pas sur le sujet… », plaisante encore Léonie. « Tu peux dire merci à Internet ! », ajoute Zoé avec malice.

PORNO 3.0

Comme Léonie, nombreux sont les ados qui se tournent vers les réseaux pour satisfaire leur curiosité. « Et la première chose sur laquelle ils tombent, c’est la pornographie », assure Sylvie Loumaye. Or, ces contenus qui concentrent les performances sexuelles souvent extrêmes peuvent être dévastateurs pour le cerveau des ados en construction. « Cela impacte leur sexualité. La plupart ont complètement banalisé des gestes très engageants et très intimes comme la fellation ou la sodomie. Par ailleurs, le porno véhicule une représentation déformée de la réalité où la puissance des hommes est sans limite et la docilité des femmes sans réserve. De quoi faire peur aux ados qui ne se retrouvent pas dans les modèles proposés. Et mettre à mal l’image de la femme, souvent réduite à la soumission voire à l’humiliation. » Espérer épargner la pornographie à nos enfants est une illusion. « Ils auront tôt fait de détourner nos précautions ou de se faire rattraper par des copains plus avertis, assure la sexologue. Mais on peut en limiter l’impact en accompagnant son enfant dans ses questionnements pour dissiper ses doutes et lui permettre d’adopter une sexualité conforme à ce qu’il désire et non à ce qu’il voit. C’est l’intérêt du dialogue. »

 L’HISTOIRE D’UNE VIE

Encore faut-il savoir comment… « L’idéal est de saisir les opportunités qui se présentent : la voisine de 17 ans qui est enceinte, la série préférée de votre ado, etc. Il suffit d’un petit commentaire pour signaler votre disponibilité. Votre ado saura s’en saisir s’il en ressent le besoin. Et s’il n’embraie pas, inutile d’insister : le message est passé », conseille Sylvie Loumaye. « Chez nous, on laisse nos ados nous guider », explique Cathy, 44 ans, la maman de Zoé et d’Oliver, 17 ans. « On ne leur pose pas de question sur leur sexualité mais on est toujours prêts à répondre aux leurs honnêtement. Comme on le ferait pour tout autre sujet, en fonction de leur âge et de leurs expériences. » Une approche qu’approuve la sexologue : « L’éducation sexuelle, c’est l’histoire d’une vie. Sans nous en rendre compte, chaque fois que nous exprimons – verbalement ou non – ce que nous pensons du corps, de l’amour ou de la sexualité, nous transmettons nos valeurs à nos enfants. » « Mon mari et moi sommes très tolérants par rapport à l’orientation sexuelle de chacun ; mais nous sommes très ‘vieux jeux’ en ce qui concerne la fidélité et le respect mutuel. Les enfants se moquent de nous parfois, mais j’ose espérer que cela leur permettra de devenir des adultes aux relations saines et à la sexualité épanouie », conclut Cathy.

Que dire ?

Laissez votre ado vous guider : répondez à ses questions sans anticiper et voyez s’il souhaite en savoir davantage.

Ne cherchez pas à tout expliquer. La sexualité est un sujet trop vaste pour le couvrir en une conversation. Multipliez les occasions d’en discuter.

Relâchez la pression. Imprécisions et maladresses ne sont pas dramatiques. Ce qui importe, c’est la volonté de dialoguer et les valeurs véhiculées par le message au-delà des mots.

Soyez vraie quand vous vous sentez mal à l’aise ou que vous ne savez pas comment répondre. Exprimez votre embarras. Accordez-vous le droit d’y revenir après vous être renseignée, lorsque la question vous déconcerte.

Utilisez des mots simples et accessibles, des phrases courtes et claires.

Ne réduisez pas votre discours au sexe ou à la technique. Parlez d’amour, de confiance, de respect, de consentement et d’intimité. Rappelez-lui que le sexe est quelque chose de beau, dont la réussite ne tient pas à la performance mais au partage de valeurs.

Préparez votre enfant à la sexualité responsable : expliquez- lui les moyens de prévenir le sida, les IST et la grossesse.

Ne condamnez pas la pornographie mais apprenez à votre ado à y jeter un oeil critique.

Ne posez pas de questions sur sa sexualité et n’exposez pas la vôtre.

Donnez-lui des adresses où il pourra parler en toute confidentialité et se faire accompagner (médecin, gynécologue, planning familial ou adulte de confiance…). Proposez-lui des sites d’information de qualité et mettez à sa disposition un livre adapté à son âge.

Dédramatisez : le sujet est sérieux, mais pas grave. N’hésitez pas à raconter les idées fausses que vous vous faisiez sur le sexe à l’adolescence, vos échecs amoureux…

Pour aller plus loin

  • Parlez du porno a vos enfants avant qu’Internet ne le fasse, Anne de Labouret, Christophe Butstraen, éd. Thierry Souccar.
  • Encyclopedie la vie sexuelle 10‑13 ans, éd. Hachette Enfants.
  • Tout nu ! Le dictionnaire bienveillant de la sexualite, Myriam Daguzan Bernier, Cécile Gariépy, éd. du Ricochet. À partir de 13 ans.
  • Vagin Tonic, Lili Sohn, éd. Casterman. Un roman graphique qui parle du sexe féminin, très instructif et fun.
  • Mon nom est clitoris, Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet. Un documentaire sur la sexualité féminine.
  • La série Sex Education parue en 2017 (Netflix), reste une pépite pour les parents et les ados
  • www.onsexprime.fr
  • ce site…

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