Les chaussures qu’il laisse traîner devant la porte d’entrée, la lumière qu’elle n’éteint pas en quittant la pièce… Les sources de crispations sont nombreuses quand on vit ensemble. Bonne nouvelle : elles sont un signe de bonne santé du couple. 

Tentative de décryptage de ces énervements et pistes pour les surmonter.

Avec Serge Dehouwer, également psychologue et sexologue, j’ai donné, le 19/10/2017 dernier la conférence « Il m’irrite, elle m’énerve,… » Les agacements au sein du couple.  L’occasion de faire le point asur ce qui nous fait rager au quotidien.

C’est quoi, un agacement ?

C’est une dissonance, un état de conflit, une tension entre un schéma intériorisé (ce qui « devrait être », selon moi)et une réalité. Les agacements conjugaux naissent du fait que le couple est une association entre deux cultures qui ignorent leurs différences. L’un arrive avec son sac à dos bleu, l’autre avec son sac à dos jaune et, idéalement, il faudrait faire du vert ensemble. Mais c’est difficile parce que nos schémas intérieurs sont très liés à notre éducation, à notre culture familiale d’origine : l’ordre, la communication, l’éducation des enfants…

Tous les couples sont-ils sujets à ces énervements?

Il y a des agacements dans tous les couples. D’ailleurs, un couple où on peut exprimer ses agacements est un couple qui fonctionne plutôt bien.Tandis que dans les couples où c’est risqué, où l’on sent que la relation est fragile, où l’enjeu est important parce que l’autre pourrait partir ou se fâcher, on est dans le refoulement.

Certaines personnalités y sont-elles plus sensibles que d’autres ?

Oui, il y a des personnes qui ont un niveau d’attente très élevé. Pour éviter la dissonance, on peut soit travailler la réalité (installer une armoire à chaussures) soit travailler son schéma interne (ce n’est pas si grave si les chaussures restent devant l’armoire finalement). Il peut y avoir jusqu’à trois couches à l’agacement : l’agacement pur (la veste qui traîne) ; le constat (je lui ai demandé de la ramasser et elle traîne toujours, je ne me sens pas respecté) ; l’auto-agacement (ma propre réaction face à la réaction de l’autre genre « Je n’y avais pas pensé » m’agace).

Faut-il s’inquiéter de ces agacements ?

Non, car ils sont en réalité le signe de la bonne santé du couple. Le problème, ce n’est pas tant l’agacement, mais plutôt quand ils virent au conflit permanent. Il faut s’inquiéter quand on s’attaque avec mauvaise foi, quand on tape là où ça fait mal…Il faut surtout s’inquiéter quand l’autre ne nous agace plus. Quand il nous ennuie. Ou bien quand on se sent rejeté, dénigré, mal aimé.

Des pistes de solution pratiques ?

-« Troquer »quelques agacements : tu tolères mes chaussures qui traînent et moi, en échange, je passe sur le bouchon du dentifrice que tu ne rebouches jamais !.

-Exprimer sa demande clairement, parce que parfois le conjoint ignore que tel élément nous agace.

-S’isoler un peu chacun dans sa bulle, plutôt que d’entrer dans une cascade de conflit. Cela permet aussi de faire son autocritique.

-Se faire un petit scénario où l’on va mentalement jusqu’au bout du processus : s’il le refait, je le quitte, je le tue… Cela permet de relativiser : je ne vais quand même pas le quitter/le tuer pour une chaussette qui traîne !

-Se spécialiser au sein du couple : l’un fait les courses, tout seul, à sa manière. L’autre cuisine, sans subir le grain de sel du conjoint. Chacun étant complètement responsable de sa tâche.

-Et évidemment, utiliser l’humour et si possible aussi l’autodérision.

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